Le 23 décembre 2025, au Centre international de conférences de Bamako, le capitaine Ibrahim Traoré a livré l’un des discours les plus marquants de sa jeune carrière politique. Prenant officiellement les rênes de la présidence tournante de la Confédération des États du Sahel (AES), succédant au général Assimi Goïta, le président burkinabè a lancé un avertissement solennel : un « hiver noir » arrive en Afrique de l’Ouest.
« Ma conviction est claire : quelque chose se prépare en Afrique de l’Ouest. Je l’ai appelé l’Hiver noir. L’Hiver noir arrive. Ce sera un hiver très froid. Un hiver sanglant. Un hiver meurtrier. »
Cette métaphore puissante n’est pas une simple formule rhétorique. Elle cristallise la vision d’un dirigeant qui se positionne en chef de guerre idéologique face à ce qu’il qualifie d’offensive impérialiste majeure contre la souveraineté sahélienne.
Un hiver froid, sanglant et meurtrier : de quoi parle-t-on ?
Selon les termes employés par le capitaine Traoré lors de la cérémonie d’ouverture du 2? sommet du collège des chefs d’État de l’AES, cet « hiver noir » désigne plusieurs menaces entrelacées :
- Une escalade sécuritaire majeure, avec une probable intensification des attaques terroristes et des tentatives de déstabilisation par des acteurs extérieurs
- Une guerre par procuration orchestrée par des puissances étrangères visant à reprendre le contrôle des ressources naturelles du Sahel (or, uranium, pétrole, terres agricoles)
- Le rôle actif de complices locaux — qualifiés sans détour de « loups », de « pseudo-intellectuels décérébrés » ou d’Africains qui « arrosent nos troncs d’arbres d’eau fraîche » pour empêcher le feu de la résistance de s’embraser
- Une offensive qui s’inscrit dans la continuité du « Printemps arabe », mais cette fois tournée vers l’Afrique de l’Ouest
Le président burkinabè compare la situation à un froid glacial qui s’installe malgré les efforts pour allumer un feu d’unité africaine. Il accuse les forces impérialistes de vouloir faire s’entretuer les Africains pendant qu’elles se frottent les mains en attendant de piller les richesses.
Les signes avant-coureurs déjà visibles
Fin 2025, plusieurs indicateurs renforcent la thèse d’une période extrêmement difficile :
- Persistance et sophistication accrue des attaques jihadistes malgré les avancées militaires des armées nationales
- Tensions extrêmes avec la CEDEAO (sortie effective des trois pays depuis janvier 2025) et risque de blocus économique déguisé
- Pressions internationales sur l’accès aux financements, aux armes et aux technologies, même si les cours élevés de l’or offrent pour l’instant un coussin financier au Burkina Faso
- Multiplication des campagnes de désinformation visant à terroriser les populations et à fragiliser les transitions militaires
La réponse de l’AES face à l’hiver qui vient
Face à cette perspective sombre, le discours de Traoré n’est pas seulement un constat d’alerte : c’est un appel à la mobilisation générale. Les chantiers prioritaires de l’AES pour traverser cet « hiver » se dessinent clairement :
- Opérationnalisation accélérée de la force antiterroriste conjointe
- Consolidation de l’intégration : passeport commun, Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID-AES), lancement officiel de la Télévision AES le 23 décembre 2025
- Guerre informationnelle : « Nous résisterons par la communication plutôt que par la violence physique » (Traoré)
- Unité absolue : « Soit nous nous unissons via l’AES et nous survivons, soit nous disparaissons dans l’esclavage »
Le capitaine Traoré a conclu sur une note prophétique : l’Afrique doit choisir entre l’unité souveraine douloureuse mais salvatrice, ou la division et la soumission.
Perspectives pour les prochains mois
L’année 2026 s’annonce comme un moment charnière pour l’AES. Si l’avertissement de Traoré se vérifie, on peut anticiper :
- Une recrudescence des violences et des tentatives de déstabilisation interne
- Une polarisation régionale encore plus marquée avec les pays restés dans la CEDEAO
- Des négociations difficiles sur la scène internationale, notamment avec les partenaires traditionnels occidentaux
- Mais aussi une accélération des projets d’intégration et une possible extension de l’Alliance (rumeurs persistantes sur le Togo, le Tchad, voire d’autres pays)
Pour les partisans du capitaine Traoré, cet « hiver noir » est le prix douloureux mais nécessaire à payer pour une véritable indépendance. Pour ses détracteurs, c’est une rhétorique guerrière qui masque les immenses défis internes : insécurité persistante, crise humanitaire massive et fragilité économique.
Une chose est sûre : le 23 décembre 2025 à Bamako, Ibrahim Traoré n’a pas seulement pris la présidence de l’AES. Il a lancé un cri de ralliement qui résonnera longtemps dans le Sahel et au-delà.
L’hiver arrive. Reste à savoir si le feu de l’unité sahélienne sera assez puissant pour le traverser.
Et vous, comment voyez-vous la suite ?
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