Sexting et sextos ont pris le pas sur l’ancestrale s3xtape, même si ce n’est pas tout à fait la même chose. Ces « nouvelles » pratiques s3xuelles doivent leur montée en puissance à l’avènement des smartphones, que l’on trouve désormais dans toutes les poches, même chez les plus jeunes.
A l’initiative de Ludovic Blécot, sexologue clinicien lillois, ils sont plusieurs chercheurs français et belges à s’être interrogé sur un des pans du sexting : l’envoi de « nudes » chez les jeunes de 13 à 25 ans. Sans jugement, le constat de cette étude est néanmoins saisissant.
L’étude en question a été menée sur deux ans auprès de 10.700 jeunes français et belges francophones âgés de 13 à 25 ans. Les répondants sont à 70,5 % des femmes et à 80,13 % français.
A la principale question qui leur était posée, à savoir « avez-vous déjà envoyé un ou des nµdes ? », les trois quarts (74,5 %) ont avoir répondu par l’affirmative.
« Ce chiffre élevé ne nous a pas forcément étonnés, notamment parce que les moyens technologiques disponibles ont donné une certaine ampleur à cette pratique », explique Ludovic Blécot.
Le risque du « partage secondaire »
Il fallait néanmoins faire un état des lieux de cette pratique qui est assez peu documentée en France et en Belgique. « Les échanges avec les professionnels dessinaient un constat plutôt alarmiste qui était davantage lié à une représentation du phénomène qu’à la réalité », poursuit le sexologue. Une « médiatisation négative » qui ne prenait en compte que les dangers du « partage secondaire », autrement dit, le fait de voir des photos intimes destinées à une seule personne envoyées sans son accord à des tiers. « C’est en effet un risque important puisque près de la moitié des répondants ont assuré que ça leur était déjà arrivé », reconnaît Ludovic Blécot.
Les véritables enseignements de cette étude sont ailleurs. A 17 ans, ils sont proportionnellement plus nombreux à avoir envoyé un nude que ne l’étaient au même âge les personnes aujourd’hui âgées de 18 à 25 ans. « Cela veut clairement dire que l’on envoie des nudes de plus en plus jeune. Sauf que, paradoxalement, l’âge du premier rapport sexuel ne change pas, établi à 17 ans depuis une décennie », décrypte le sexologue.
« Une inversion de culpabilité »
L’autre enseignement est que l’envoie de nµdes ne se limite plus au couple comme c’était encore majoritairement le cas il y a quelques années. « Envoyer un nµde à une personne avec laquelle on n’est pas en couple se fait désormais dans une plus grande proportion, constate le sexologue. C’est une évolution des pratiques ».
D’ailleurs, l’étude montre que 3 % des personnes ayant déjà envoyé un nµde l’ont fait afin d’obtenir « des faveurs », relations sexuelles, argent, services ou même drogue.
De manière générale, chez les 13-25 ans, l’envoi de nµdes est perçu plutôt positivement. Etrangement, cette perception ne change pas chez ceux qui ont vécu l’expérience de voir une photo intime partagée sans leur consentement.
Cela explique en partie que l’immense majorité des victimes ne dépose pas de plainte. « Beaucoup de témoignages font aussi état d’une inversion de culpabilité », note Ludovic Blécot. En gros, c’est de ta faute, il ne fallait pas envoyer ce type de photos. Du coup, comme pour toute pratique sexuelle, il y a du bon et du potentiellement moins bon.
« L’important est d’en parler sans culpabiliser, contrôler sans fliquer, insiste le sexologue. Expliquer les risques, c’est aussi l’enjeu de la prévention ».