Le fils du premier président de la Ve République de France s’en est allé. Philippe de Gaulle, fils du général de Gaulle, est mort dans la nuit de mardi 12 mars à mercredi 13 mars, a indiqué sa famille.
« Il est mort dans la nuit de mardi à mercredi à l’Institution nationale des Invalides dont il était pensionnaire depuis deux ans », a précisé son fils Yves de Gaulle.
« Saluons la mémoire d’un père formidable et d’un grand Français, dont le sens du devoir n’avait d’égal que l’élégance et la modestie. Vision, honneur et simplicité, c’est cela finalement le gaullisme », a écrit sur X Pierre de Gaulle, autre fils de l’amiral.
Philippe de Gaulle était né en 1921 dans une famille où l’on cultivait au plus haut point le sens des valeurs traditionnelles et de la nation. Travail, effort, respect de soi comme des autres et notamment des parents : tels étaient les maîtres mots.
«Il fallait toujours aller vers le meilleur, faire mieux que les autres», confiera-t-il. Son père souhaitait l’orienter vers la diplomatie. Le jeune Philippe, lui, rêvait de la carrière militaire : «À douze ans, je connaissais l’essentiel des batailles napoléoniennes. »
Inspecteur général de la Marine
La guerre va décider de tout. Alors que son père, général de brigade à titre temporaire et sous-secrétaire d’État à la guerre,décide en juin 1940 de franchir le Rubicon et de rejoindre Londres, Philippe se trouve avec sa famille à Carantec, en Bretagne.
À leur tour, ils partent en bateau pour l’Angleterre (ils croyaient d’abord aller retrouver le Général en Afrique du Nord) et débarquent le 18 juin à Falmouth. Ils apprendront le lendemain par la presse britannique que le général de Gaulle a lancé, sur les ondes de la BBC, un appel destiné à devenir à jamais mémorable.
Philippe, qui n’a que dix-neuf ans, s’engage tout naturellement dans les Forces françaises libres et commence par ramasser les douilles des obus sur le Courbet, vieux croiseur français transformé par les Anglais en plate-forme de DCA. Puis il se retrouve à l’École navale que la France libre a mise hâtivement en place à Portsmouth.
C’est donc dans la marine qu’il combattra. Il combat dans l’Atlantique, il combat dans la Manche. Un jour, sa vedette lance-torpilles est prise à partie par quatre dragueurs de mines allemands. Trois de ses quatre moteurs en flammes, Philippe de Gaulle parvient à se réfugier dans la brume le long des côtes françaises. Les Allemands, à la radio, se réjouiront trop vite d’avoir coulé le fils du général français qui les nargue depuis Londres.
À la veille du débarquement allié en Normandie, le jeune officier rejoint les fusiliers marins de la IIe division blindée du général Leclerc. À ce titre, lors de la libération de Paris, il reçoit lui-même la reddition des troupes allemandes occupant le Palais Bourbon. Il a alors 23 ans «Personne parmi les officiers allemands ne m’a demandé mon nom» confiera-t-il.
Ce n’est qu’en novembre 2019 que l’Assemblée nationale lui rendra hommage pour cette action d’une haute valeur symbolique. Philippe de Gaulle poursuit vers l’est avec la IIe DB, jusqu’à la capitulation de l’ennemi. Il dira plus tard, sans forfanterie : «Je suis, parmi les fils de chefs d’État – soviets compris – celui qui s’est le plus battu.»
Il sortira de ce conflit avec la croix de guerre, trois citations et le grade d’enseigne de vaisseau de 1re classe. Mais sans être admis dans l’ordre des Compagnons de la Libération, le Général se refusant à décorer son propre fils.
Prendre du champ et menacer de partir
La suite, c’est une carrière classique. Philippe de Gaulle sert en Indochine, au Maroc, en Algérie, gravit un à un les échelons de la hiérarchie pour aboutir en 1980, deux ans avant la retraite, au grade d’amiral et au poste d’inspecteur général de la Marine.
De politique, devoir de réserve oblige, il ne saurait évidemment être question, du moins officiellement, car il n’est pas donné à tout le monde d’être le fils du général de Gaulle et de le côtoyer régulièrement dans son intimité.
Le hasard fait ainsi que Philippe de Gaulle se trouve en permission à Paris au plus fort de la crise de 1968. Le dimanche 26 mai, venu déjeuner à l’Élysée, il conseille à son père, comme il le racontera dans ses Mémoires accessoires (1), de prendre du champ et de menacer de partir. Le lendemain soir, le père et le fils reprennent la conversation.
Une nouvelle fois, Philippe de Gaulle, qui ne craint pas, selon ses dires, d’affirmer au Général qu’à terme, son règne est fini, lui conseille de s’éloigner et lui propose d’aller s’installer à Brest sur un croiseur ou un porte-avions, qui lui offriront toutes les possibilités de communication et de déplacement.
Le Général rejette cette perspective, mais confirme qu’il a effectivement l’intention de sortir de la «chaudière». Il en sortira pour aller rencontrer le général Massu à Baden-Baden, où Philippe le rejoint avec sa famille. Et où il reste provisoirement, sur l’ordre de son père, quand celui-ci, revigoré par sa rencontre avec le chef des forces françaises en Allemagne, repart afin de reprendre les choses en main à Paris.