Le 6 mai 2024, le Togo a officiellement adopté une nouvelle constitution, marquant l’entrée dans la 5e République et un tournant majeur dans son système politique. Cette réforme, promulguée par le président Faure Gnassingbé, a instauré un régime parlementaire, remplaçant le régime semi-présidentiel en vigueur depuis 1992.
Avec ce changement, deux figures clés émergent au sommet de l’État : le Président de la République et le Président du Conseil des ministres. Cet article explore les différences fondamentales entre ces deux rôles, leurs attributions, et les implications de cette transition pour la gouvernance togolaise.
Contexte de la 5e République
Depuis son indépendance en 1960, le Togo a connu plusieurs constitutions, chacune reflétant les dynamiques politiques de son époque. La 4e République, instaurée en 1992, fonctionnait sous un régime semi-présidentiel où le Président de la République, élu au suffrage universel, détenait un pouvoir exécutif dominant, tandis que le Premier ministre jouait un rôle subordonné.
Cependant, les réformes constitutionnelles de 2024 ont bouleversé cette structure, alignant le Togo sur un modèle parlementaire inspiré de certains pays francophones comme l’Éthiopie ou Maurice.
Cette transition, votée par l’Assemblée nationale le 25 mars 2024 avec une large majorité (89 voix pour, une contre, une abstention), a suscité des débats, notamment parmi l’opposition, qui y voit une manœuvre pour prolonger l’influence de Faure Gnassingbé et de son parti, l’Union pour la République (UNIR).
Le Président de la République : un rôle symbolique
Dans la 5e République, le Président de la République voit ses pouvoirs considérablement réduits, passant d’un chef exécutif à une figure largement honorifique. Voici les caractéristiques principales de ce poste :
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Mode d’élection : Contrairement à l’ancien système où le président était élu au suffrage universel direct, il est désormais choisi par les parlementaires (Assemblée nationale et Sénat réunis en Congrès) pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Cette élection se fait « sans débat », ce qui limite les discussions publiques sur le choix du candidat.
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Attributions : Le rôle du Président de la République est principalement cérémonial. Il incarne l’unité nationale, garantit la continuité des institutions, et agit comme un symbole de cohésion. Il reste le commandant en chef des forces armées et conserve le pouvoir de nommer ou révoquer le Premier ministre, mais ces prérogatives sont exercées dans un cadre limité, souvent en suivant les recommandations du parti majoritaire.
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Conditions d’éligibilité : Le candidat doit avoir 50 ans révolus au moment du dépôt de sa candidature, sans exigence de nationalité togolaise exclusive ou de résidence prolongée, contrairement aux règles antérieures.
Ce rôle, désormais dénué de pouvoir exécutif direct, contraste fortement avec l’ancienne présidence, où le chef de l’État dirigeait la politique nationale et internationale.
Le Président du Conseil des ministres : le véritable détenteur du pouvoir
Le Président du Conseil des ministres, une nouvelle fonction créée par la constitution de 2024, devient le pivot du pouvoir exécutif. Voici ses principales caractéristiques :
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Mode de désignation : Le Président du Conseil est désigné par les députés de l’Assemblée nationale pour un mandat de six ans, renouvelable indéfiniment. Il doit être le chef du parti majoritaire ou de la coalition majoritaire à l’issue des élections législatives, garantissant ainsi que le pouvoir exécutif reflète la majorité parlementaire.
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Attributions : Ce poste concentre l’essentiel du pouvoir exécutif. Le Président du Conseil dirige la politique nationale, représente le Togo à l’international, et gère les affaires gouvernementales. Il est responsable devant l’Assemblée nationale, qui peut le destituer par une motion de censure, bien que ce mécanisme soit peu probable dans un contexte où le parti majoritaire (UNIR) domine le Parlement. Il supervise également les forces armées et la politique étrangère, des rôles autrefois réservés au Président de la République.
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Conditions d’éligibilité : Le candidat doit avoir 40 ans révolus, un seuil plus bas que pour le Président de la République, reflétant l’importance de l’expérience politique plutôt que de l’âge. Il n’y a pas de limite au nombre de mandats, une disposition critiquée par l’opposition comme un moyen de pérenniser le pouvoir d’une élite politique.
Le Président du Conseil des ministres est ainsi le véritable chef du gouvernement, remplaçant de facto le Premier ministre de l’ancien système tout en disposant de pouvoirs élargis.
Différences clés entre les deux rôles
Critère |
Président de la République |
Président du Conseil des ministres |
---|---|---|
Mode d’élection |
Élu par le Congrès (parlementaires) |
Désigné par l’Assemblée nationale (majorité) |
Durée du mandat |
4 ans, renouvelable une fois |
6 ans, renouvelable indéfiniment |
Rôle |
Symbolique, représente l’unité nationale |
Exécutif, dirige le gouvernement et la politique |
Pouvoirs |
Cérémoniels, nomination du Premier ministre |
Gestion des affaires nationales et internationales |
Âge minimum |
50 ans |
40 ans |
Responsabilité |
Non responsable devant le Parlement |
Responsable devant l’Assemblée nationale |
Implications et controverses
La transition vers un régime parlementaire a été saluée par le parti au pouvoir comme un moyen de renforcer la démocratie en donnant plus de pouvoir aux élus du peuple.
Selon l’UNIR, ce système permet une meilleure prise en compte des priorités des citoyens via les députés. Cependant, l’opposition, notamment l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), dénonce une concentration excessive du pouvoir entre les mains du Président du Conseil, sans mécanismes de contrôle efficaces.
L’absence de limitation des mandats pour ce poste et la domination d’UNIR à l’Assemblée nationale suscitent des craintes d’une dictature institutionnalisée.
De plus, la désignation de Faure Gnassingbé comme Président du Conseil, effective le 3 mai 2025, a renforcé les soupçons selon lesquels la réforme vise à prolonger son influence, alors qu’il dirige le pays depuis 2005.
Les partis d’opposition, comme l’ANC et les Forces Démocratiques pour la République (FDR), ont organisé des manifestations pour contester cette transition, arguant qu’elle érode la souveraineté populaire en supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel.
La 5e République togolaise redéfinit radicalement la structure du pouvoir exécutif. Le Président de la République, autrefois au centre de la gouvernance, est relégué à un rôle symbolique, tandis que le Président du Conseil des ministres devient le véritable moteur de l’État, avec des pouvoirs étendus et une responsabilité théorique devant le Parlement.
Cette réforme, bien que présentée comme un progrès démocratique, soulève des questions sur l’équilibre des pouvoirs et la pérennité de l’alternance politique dans un pays marqué par la domination d’un seul parti.
Alors que le Togo navigue dans cette nouvelle ère, l’avenir dira si ce système favorisera une gouvernance plus inclusive ou consolidera davantage le statu quo.
Rappelons que le Togo a un nouveau Président de la République. Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové, 86 ans, a été élu samedi 03 mai 2025, par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat), réuni pour la première fois en congrès à Lomé.
Le Président du Conseil est désormais connu. Faure Essozimna Gnassingbé a été désigné et annoncé ce samedi 03 mai, à l’occasion d’une séance plénière organisée à l’Assemblée nationale.